Ménaka: pourquoi l’EIGS et le GSIM convoitent la région ?

La région de Ménaka est le théâtre d’affrontements, depuis le mois de mars, entre deux nébuleuses terroristes, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), branche sahélienne du groupe État Islamique, et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaeda. Les combats ont repris ces derniers jours, avec, selon nos informations, des victimes dans les deux camps. Pourquoi cette région est-elle autant convoitée par les deux groupes rivaux ?

« Des affrontements entre Jnim et Daech signalés cet après-midi au sud-ouest d’Insinsnane », a alerté sur Twitter le 29 octobre Fahad Ag Almahmoud du Groupe d’auto-défense Touareg, Imghad et alliés (Gatia), Président de la plateforme du 14 juin 2014 d’Alger.

À l’en croire, ces affrontements entre les deux organisations, qui « restent extrêmement puissantes sur le terrain et ont reçu des renforts de partout », ont tourné en faveur du GSIM, qui a fait son entrée à Anderamboukane le 30 octobre, alors que les renforts de Daech s’étaient regroupés à Tadjalalte, 30 km à l’ouest.

Zone « libre »

Pour Abdoul Nasir Idrissa de « Kala A Ma Harandi », un collectif de journalistes-militants de la région de Gao, observateur de l’évolution depuis plusieurs mois des conflits entre les deux groupes terroristes dans la zone, les affrontements s’inscrivent une logique de de positionnement. « Chacun des deux groupes veut avoir la mainmise sur Anderamboukane, ce qui fait une entrée directe sur le Niger », soutient celui qui pense que l’intérêt et la convoitise de la région de Ménaka sont dus à la libre circulation qu’elle offre.

« La zone de Ménaka est une zone carrefour, où l’on peut facilement se cacher dans des forêts. À partir de Ménaka, vous avez une ouverture sur Kidal, jusqu’à l’Algérie et également sur le Niger. La zone de Talataye, dans le cercle d’Ansongo, jusqu’à Anderamboukane, est également une zone où l’on peut circuler librement. L’espace est vide, sans présence militaire », explique-t-il.

Assurer l’autofinancement

Dr. Aly Tounkara, Directeur du Centre d’études stratégiques et sécuritaires au Sahel (CE3S) pense pour sa part que la recrudescence des conflits dans la région de Ménaka est en partie due aux mésententes entre groupes armés dans la zone. « Les groupes armés eux-mêmes, qu’ils soient signataires de l’Accord pour la paix ou pas, peinent à s’accorder sur l’essentiel dans la région de Ménaka, contrairement à des localités comme Kidal, où l’on a quand même une prééminence de la CMA », indique-t-il.

Par ailleurs, selon lui, chacun des groupes cherche à contrôler ce territoire parce que lorsque ce contrôle est acquis, « on a par ricochet les populations avec soi, la mainmise sur tout ce qui est mobilité en termes d’escorte, les cartels de la drogue, même les voies clandestines qui mèneraient à la migration irrégulière, des aspects qui permettent entre-autres aux groupes de s’autofinancer ».

Le spécialiste des questions de sécurité souligne que les clivages ethniques et les tensions entre les communautés dans cette région attisent également les affrontements, que ce soit entre l’EIGS et le GSIM ou entre l’un des deux et les groupes armés de la zone.

En avril dernier, au plus fort des affrontements qui opposaient l’EIGS au Mouvement de soutien de l’Azawad (MSA), qui tentait de contrer l’offensive de l’État Islamique, Ibrahim Maiga, spécialiste sécuritaire et ancien chercheur à l’ISS Africa, expliquait dans nos colonnes que ces affrontements se nourrissaient d’une longue conflictualité, qui s’était établie dans cette zone frontalière entre certaines communautés.

Rebondir après Talataye

Pour certains observateurs, la reprise récente des combats entre l’EIGS et le GSIM dans la zone de Ménaka s’expliquerait aussi par une volonté de revanche des hommes d’Iyad Ag Ghaly, suite à leur « défaite » à Talataye, dans le cercle d’Ansongo, début septembre.

Une défaite qui, selon une source citée par l’Agence de presse africaine (APA News), a « terni l’image du GSIM et a consolidé le mythe d’invincibilité de l’EI, d’où une mobilisation du GSIM depuis quelques semaines pour cette grande offensive, pour réarmer moralement ses combattants, affectés par cette défaite ».

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