Nana Aïcha Cissé : « la prochaine relecture de la Charte des partis doit être mise à profit pour instaurer des mesures contraignantes »

Mme Nana Aïcha Cissé est la Porte-parole des femmes du Conseil national de Transition (CNT). Elle a assuré pendant deux ans la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes du G5 Sahel. Début mars, elle a été classée parmi les 100 femmes impactantes dans le développement de l’Afrique. Entretien.

Vous venez d’être classée 12ème parmi les 100 femmes qui contribuent à l’essor de l’Afrique, selon le site « Les Africaines ». Comment avez-vous accueilli cette distinction ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne connaissais pas le site. C’est donc une très grande surprise accueillie avec un réel bonheur. La reconnaissance du travail fait toujours plaisir

Vous avez assuré la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes (PF) du G5 Sahel. Quel bilan dressez-vous de votre mandat ?

Le Mali a été le deuxième pays (après le Burkina) à assurer la Coordination régionale de la PF. Nous pouvons dire que sous ce mandat la PF a connu des avancées essentielles pour assurer son opérationnalité. Il y a eu la signature d’un Protocole d’entente entre la Plateforme des Femmes et le Secrétariat Exécutif du G5S. À travers cela, le Secrétariat reconnaît la Plateforme des Femmes comme une organisation faitière qui fédère les autres organisations féminines pour contribuer à l’atteinte de ses objectifs en matière de Genre. Nous avons pu, au cours de notre mandat, amener la Plateforme à élaborer un Plan stratégique, suivi de son Plan d’action pour 5 ans. Nous avons eu la chance d’obtenir des financements pour commencer à le mettre en œuvre. Nous avons pu également organiser plusieurs rencontres d’échanges pour la  visibilité de la PF-G5 Sahel.

Le Mali a décidé en mai dernier de se retirer de tous les organes et instances du G5 Sahel. Que pensez-vous de ce retrait ?

Le G5 Sahel a été créé en 2014 mais n’a  connu son rayonnement que  lorsque le Mali a assuré sa présidence, en 2017. Dans le Sahel, le Mali est l’épicentre du terrorisme, à cause des multiples crises que le pays traverse. De ce fait, retirer au Mali ses droits et son leadership au sein du G5 Sahel n’est pas acceptable de mon point de vue. Le retrait du Mali est une décision politique très forte qui a tout son sens. Évidemment, elle exclut  en même temps les Maliennes de la Plateforme G5 Sahel. Il n’était pas souhaitable d’en arriver là, mais nous soutenons notre pays et nous avons immédiatement suspendu notre participation en tant que membres. Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal. La preuve, depuis 2021, la présidence tournante, qui dure un an, est toujours au Tchad.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la représentativité des femmes en politique au Mali ?

Un regard plein d’espoir. Malgré notre Loi fondamentale et les textes auxquels notre pays a souscrit au niveau régional et international, c’est la Loi 052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, qui a amélioré la représentativité des femmes en politique.

La Loi 052 du 18 décembre 2015 n’est pas strictement appliquée depuis son instauration. Selon vous, comment améliorer la position des femmes dans la sphère politique ?

C’est vrai que cette loi, qui constitue un acquis précieux pour les femmes, n’est pas appliquée à hauteur de souhait. Cependant, contrairement à l’administration d’État, c’est dans la sphère politique, à travers le processus électoral, qu’elle est la mieux appliquée. Pour améliorer la position des femmes et faciliter leur accès aux postes de responsabilités dans les organes dirigeants des partis politiques, la prochaine relecture de la Charte des partis doit être mise à profit pour instaurer des mesures contraignantes.

Vous êtes membre du CNT. Avec vos collègues femmes de l’institution, quelles actions menez-vous pour le renforcement de la protection des droits des femmes ?

Au CNT, se sont retrouvés des femmes et des hommes issus de toutes les couches socio professionnelles du Mali. En tant qu’organe législatif de la Transition, le CNT remplace l’Assemblée Nationale. Donc ses membres sont les représentants des populations (hommes et femmes). Chaque membre du CNT  a pour mission la défense des intérêts des populations maliennes.  Ce que nous faisons en plus (certains hommes avec nous), c’est le plaidoyer pour la prise en compte du Genre, chaque fois que cela est nécessaire, dans les lois que nous votons. Nous recueillons également les préoccupations des femmes du Mali, chaque fois que besoin en est, pour les porter au moment des débats. Nous organisons régulièrement des sessions de renforcement des capacités pour que chaque femme au sein du CNT puisse prendre part aux débats parlementaires et voter en connaissance de cause

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