Cela figurait déjà parmi les recommandations des Assises nationales de la Refondation, il y a un peu moins de 2 ans et demi. Le Dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale, qui s’est achevé le 10 mai dernier, l’a réitéré. La réduction du nombre des partis politiques semble de plus en plus promise à une mise en œuvre effective prochaine. Cela laisse entrevoir une nouvelle architecture de la classe politique, dont la configuration pourrait profondément évoluer.
Gauche, Droite ou Centre. Républicains ou Démocrates. La politique malienne va-t-elle muer dans les années à venir vers un système occidental ou du moins s’en inspirer pour redéfinir son architecture ? Une chose est sûre, une importante partie des Maliens estime qu’il faut traiter la pléthore de partis politiques qui existe aujourd’hui dans le pays en limitant leur nombre.
Certes, le Dialogue inter-Maliens qui vient de s’achever a recommandé de réduire le nombre des partis, de durcir les conditions de leur création et de supprimer le financement public à leur endroit, mais la procédure à adopter, notamment les critères, pour parvenir à un nombre réduit de formations politiques n’est pas encore clairement définie.
D’ailleurs, certains analystes se dressent contre cette recommandation, d’autant plus que, selon eux, sa mise en œuvre créera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. « À mon avis, une réduction des partis politiques va nous conduire dans une autre polémique, alors que le pays a d’autres défis à relever. Quels partis supprimer et quels partis maintenir alors que tous les partis sont légalement et juridiquement constitués ? », s’interroge le politologue Ballan Diakité.
Pour sa part, Dr Bréhima Koné, politologue, est catégorique : réduire le nombre des partis politiques est anti-démocratique et anti-républicain. « La création des partis est consacrée par la Constitution. Si on en réduit le nombre, on va vers une violation de la Loi fondamentale et ces partis peuvent saisir les juridictions compétentes », clame-t-il.
Blocs idéologiques
Si les analystes sont contre une réduction drastique du nombre des partis, ils sont en revanche d’accord sur la nécessité d’une réorganisation de la classe politique malienne. La nouvelle architecture pourrait consacrer la naissance d’un « modèle politique malien ».
« La plupart des partis politiques au Mali sont d’idéologie socialiste ou libérale. Je pense que les partis peuvent se regrouper en fonction de leur idéologie pour réduire la pléthore qui existe aujourd’hui », suggère Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives ( FSAP) de Bamako.
Bréhima Mamadou Koné abonde dans le même sens. « Il faut réorganiser les partis politiques en les constituant en 3 blocs en fonction des idéologies. Les partis politiques à tendance socialiste peuvent constituer un bloc, ceux de la tendance libéral peuvent aussi en constituer un et pareil pour les partis qui se réclament du Centre », dit-il. Pour ce politologue, une telle reconfiguration présenterait d’ailleurs plusieurs avantages pour la classe politique et pour le pays.
« Cela permettra non seulement aux partis politiques d’être efficaces et efficients dans la formation des citoyens, mais aussi à l’État de réduire le coût de financement des formations politiques. Au lieu de financer les partis individuellement, on pourra mettre en place un mécanisme qui permettra de financer ces 3 blocs », avance M. Koné.
« Une telle configuration permettrait également d’éviter les contestations après les élections. Si on a 3 blocs, cela veut dire que pour l’élection présidentielle on n’aura que 3 candidats, à l’exception des candidatures indépendantes », poursuit -il.
« Guerre » de leadership ?
Dans un environnement politique déjà gangrené par la personnification des partis politiques, le risque d’une accentuation des crises de leadership au sein des éventuels futurs blocs idéologiques n’est pas à écarter.
« Une architecture politique en blocs peut créer un autre problème, celui de la capacité des leaders politiques à s’unir autour d’un idéal au sein d’un seul parti », craint Jean-François Camara.
Mais pour Bréhima Mamadou Koné, cette question devrait être réglée par une relecture de la Charte des partis politiques. « L’accession à la tête d’un bloc doit intervenir au bout d’un processus électoral transparent et on doit exiger des partis d’organiser des primaires pour choisir leurs candidats aux différentes élections », argue le politologue.