46 militaires ivoiriens : désaccord entre le Mali et la CEDEAO

Après avoir demandé le 22 septembre la libération « sans conditions » des militaires ivoiriens détenus au Mali et envoyé une délégation de chefs d’État à cet effet à Bamako le 29 du même mois, la CEDEAO appelle les autorités maliennes à répondre favorablement aux différents appels à la libération des soldats.

L’affaire atteindra ce samedi, jour pour jour, son cinquième mois. C’est le 10 juillet dernier que 49 militaires ivoiriens – « des mercenaires selon les autorités maliennes » -ont été arrêtés et inculpés à la mi-août par la justice malienne pour « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État ». Depuis, les négociations se multiplient entre Bamako et Abidjan pour leur libération. En première ligne le Togo qui assure la médiation. L’implication togolaise a d’ailleurs permis la mise en liberté, en « guise de geste humanitaire » le 3 septembre, de 3 femmes soldats parmi les 49 détenus. Mais, depuis, la situation stagne du fait que le Mali a sollicité l’extradition de certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux.

Une « contrepartie » qu’ont déploré les chefs d’États de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire à la demande de la Côte d’Ivoire, le 22 septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont condamné avec « fermeté le maintien en incarcération » des 46 soldats ivoiriens au Mali, « malgré tous les efforts de médiation entrepris par la région » et dénoncé « le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire ». Ainsi, ils demandent aux autorités maliennes la libération « sans conditions » des militaires.

Le gouvernement malien avait déjà indiqué à l’annonce de la tenue du sommet qu’il n’est « nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire ». Via un communiqué, le 15 septembre, il a souligné que « l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale » et mis « en garde contre toute instrumentalisation de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité vis-à-vis du Mali ». Les autorités de la transition avaient également fait savoir qu’ils ne céderaient à aucun chantage.

Sanctions

Ce 4 décembre, lors de la 62ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO à Abuja, le Président de la Commission de l’organisation ouest-africaine, Dr Omar Alieu Touray, a annoncé aux médias que la CEDEAO « continuera à dialoguer avec les autorités maliennes pour obtenir la libération immédiate des 46 soldats détenus au Mali. Au cas où les soldats ne seraient pas libérés rapidement, les dirigeants se réservent le droit et ils ont pris la décision de prendre certaines mesures » sans plus de précisions. Pour faire céder le pays, selon un diplomate ouest-africain cité par l’AFP et largement relayé par la suite, la CEDEAO envisage des sanctions. Aucune mention n’est faite dans le communiqué final publié deux jours plus tard d’une menace de sanction ni d’un ultimatum pour la libération des soldats. Le ton est d’ailleurs plus diplomate et conciliant que celui du sommet de septembre. Dans les conclusions du sommet, la CEDEAO « appelle les autorités maliennes à répondre positivement aux différents appels à la libération desdits soldats ».

Selon Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité, le Mali ne subira pas d’autres sanctions de la CEDEAO, d’autant plus que la plus grande partie des autorités de la transition fait déjà l’objet de sanctions et que le pays est déjà suspendu de l’instance sous-régionale.

« En outre, je ne pense pas que la CEDEAO va rééditer ses sanctions économiques contre le Mali. Puisqu’autant le Mali a beaucoup à perdre, autant la CEDEAO a énormément à perdre, parce qu’une sanction de plus pourrait pousser le Mali à quitter l’instance. Son départ va mettre à mal les acquis de l’intégration et je pense que cela n’est pas le souhait de la CEDEAO », dit-il.

Des analystes mettent également en évidence le fait qu’un nouvel embargo contre le Mali ferait pâtir les ports de Dakar et Abidjan, dont le Mali est un important client dans l’importation de produits manufacturés. Et aussi les pays côtiers (Côte d’Ivoire, Ghana), qui dépendent du Mali pour l’importation du bétail-viande.

De plus, de l’avis des spécialistes, des sanctions de la CEDEAO contre le Mali dans le cadre de l’affaire des militaires ivoiriens pourraient se retourner contre l’organisation, déjà fragilisée auprès des opinions nationales et régionales.

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